Blogue Axel Evigiran

Blogue Axel Evigiran
La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


29 mai 2016

Polonnaruwa


Polonnaruwa, bibliothèque (photo par Axel)
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Il est des lieux qui laissent des empreintes durables. Des impressions à secouer les humeurs nostalgiques. Un effet des ruines, sans doute. Et lorsque, écrasées de pluie, s’égouttent les photographies gorgées de soleil d’un monde figé au-delà des océans, les secondes se dissolvent dans la fugacité du souvenir. Le souvenir d’un aigle blanc au-dessus de l’eau, aussi vite évaporé à l’orient dans le bleu du ciel. Le souvenir  de ces rangées de fillettes en uniformes immaculés, gravissant rieuses les marches d’un palais retourné au silence, à moins qu’il ne s’agisse d’une bibliothèque délestée de ses précieux manuscrits. Une place singulière à l’acoustique remarquable ; le Pothgul Vihara. Parfois, alentour, des singes se postent sur les pierres ou s’ébrouent en famille dans les arbres. Pour nous rappeler que tout passe… Car le principe d’impermanence y a sa place. C’est même, au-delà de la poussière des siècles,  la civilisation ou s’incarne le mieux cette vérité aussi vieille que sapiens est par deux fois sapiens, pour son plus grand malheur… Au Sri Lanka le bouddhisme est roi. L’occidental en a souvent une vision déformée ; suite de clichés véhiculés par plusieurs génération de pratiques new-age, et qui nous feraient oublier presque le destin chaotique de l’île. Les civilisations sont mortelles, nous le savions bien avant que Valery l’énonce, mais nous n’en avons si peu conscience. Ou plutôt, nous refusons de croire ce que nous savons… Ici comme ailleurs.


Sur les marches du Potghul Vihara (photo par Axel)
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Famille de macaques (photo par Axel)
Et de nous placer sur les traces du roi Kalinga Magha, venu des Indes du sud pour détruire Polonnaruwa, capitale du royaume du Lanka – après Anuradhapura, qui dura quatorze siècles, avec ses 113 rois successifs et ses 4 reines, avant d’être abandonné à la jungle au profit de Polonnaruwa…
La capitale médiévale, à bout de souffle, sera pillée et brûlée, l’envahisseur semant la terreur et l’effroi. Au roi capturé, Parakrama Pandu, il sera arraché les yeux avant d’être torturé à mort. C’est qu’au royaume de la méditation, lorsqu’on est pas expert en poisons, on n’a rien à envier en cruauté aux autres peuplades du monde. Il se murmure : « ne sois pas trop sage, tu deviendrais stupide ». La sentence gravée sur l’une des solives du plafond de Montaigne prends ici en sens particulier. La splendeur de Polonnaruwa n’aura duré en tout et pour tout que trois siècles ; une éternité à l’échelle d’une vie d’homme, autant dire une goutte d’eau dans l’océan : « Nous tous, les vivants : rien que fantômes, ombres sans poids », une autre phrase que les moines, si elle n’avait été de Sophocle, auraient pu méditer, avant de s’en aller joyeusement s’entretuer.


Palais royal de Parakramabahu (photo par Axel)
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Après le feu de la guerre, le silence des arbres recouvrira peu à peu les os de la cité en miettes. Nous sommes au XIIIe siècle. Un long oubli avant que les ruines ne soient indiquées par Lt Fagan en 1820, et relayées dans une publication du magazine « The Orientalist ». En 1831 le major Forbes en donnera une description précise. Quant aux fouilles systématiques, elles débuteront au début XXe siècle.

Aujourd’hui, ce qui frappe le visiteur à Polonnaruwa, c’est la singularité de ruines dont le sens en grande partie échappe à l’œil européen – l’histoire échappe aussi, sauf à être un érudit. Ici pas de repères stables, d’ancrage culturel. Mais l’altérité radicale – vocabulaire y compris.
Alors autant se laisser emporter, préjugés rangés au placard, pour savourer l’éternelle saveur de l’effondrement des civilisations.

Pilier, de la salle d'audience (photo par Axel)
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Lions et escalier de la salle d'audience (photo par Axel)
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Citadelle intérieure

Une fois pénétré au cœur de la cité, l’œil se confronte aux vestiges du Vejayanta Pasada, le palais royal, dont les murs de briques abritent les restes de moult salles, parfois à peine esquissées.

Council chamber of King Nissankamalla
Situé dans les jardins royaux, avec des gravures d’éléphants, de chevaux et de lions. L’édifice, était sans doute à l’époque recouvert d’un toit en bois. La terrasse comporte 4 rangées de piliers, couverts d’inscriptions indiquant les positions des dignitaires. Le roi siégeait sur le trône du lion.


Vue d'ensemble de la salle d'audience (photo par Axel)
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Quadrilatère

Cerné d’une enceinte, ce quartier était considéré comme le plus sacré de la cité et accueillait la relique de la Dent – peut être le bouddha en était-il doté de plus de trente-deux, un peu à la manière des saints martyr chrétiens, possédant chacun au moins une demi-douzaine de fémurs. Miracle de l’insondable ! Saint Augustin  fut d’ailleurs l’un des premiers à s’insurger des exploits des moines vagabonds… La soif de vénération étant aussi universelle que la recherche du profit par le trafic, il n’y a pas de raison qu’il en aille différemment en Asie qu’en Europe. Passons.

The Vatadage
Vatadage signifie circulaire. C’est le maitre ouvrage du quadrilatère, et a été construit pour protéger et donner abri au dagaba (lieu saint). Quatre bouddhas, statues en position assises ont été disposées aux points cardinaux. Chaque tête est différente.  On notera encore les gardes de pierre sur l’entrée est. Vatadage fut construit par le roi Nissankamalla (1187 - 1196)


Vatadage (photo par Axel)
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Vatadage, bouddha (photo par Axel)
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Vatadage, détail (phot par Axel)
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Vatadage, frise sculptée (photo par Axel)
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Autres édifices
Bien d’autres bâtiments, statues et sculptures se laissent savourer par-delà la poussière des ans. Ainsi l’énigmatique Sathmahal Pasada, et son architecture à degrés. Ou encore le Hatadage dont la statue principale nous défie de son indifférence tutélaire.  Sans oublier le Gal Potha, énorme livre de pierre déroulé sur huit mètres, et recouvert de la prose louant les hauts faits d’un roi dont le nom n’évoque absolument plus rien.


Statue (photo par Axel)
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Hatadage (photo par Axel)
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Hatadage (photo par Axel)
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Livre de pierre (photo par Axel)
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Sathmahal Pasada (photo par Axel)
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Per omnia vanitas. 


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Passer enfin sous le dôme du Rankot Vihara


Rankot Vihara (photo par Axel)
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Et saluer enfin le grand dormeur...


Bouddha allongé (photo par Axel)
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