Blogue Axel Evigiran

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La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


7 déc. 2014

La conversation scientifique d’Etienne Klein: Des univers multiples, avec Aurélien Barreau

Depuis la rentrée de septembre, en fin d’après-midi le samedi, Etienne Klein s’est vu octroyer une belle plage horaire, pour de roboratives conversation scientifiques ; toujours passionnantes, doctes mais sans jargonnages incompréhensibles aux non-spécialistes. Des causeries parfois légèrement décalées pour le plus grand plaisir de l’auditeur (voir par exemple l’émission avec Alexandre Hastier).

Les sujets traités sont fort variés ; de la cosmologie à la philosophie de sciences, passant par la conscience animale, ou encore les voyages dans la notion de temps (voir à ce propos l’incontournable essai d’EK, « Les tactiques de Chronos ». Quant aux invités, ils ne pas toujours des scientifiques, loin s’en faut, et cela ouvre à des richesses et à des décalages que ne permettraient pas, sur certains sujet, une discussion avec un expert ayant, comme on dit d’ordinaire, trop le nez dans le guidon.

Passant, la dernière émission en date, écoutée ce matin tout élaborant un plat dominical adapté à la météo des grands nord de France, traitant des liens entre philosophie et sciences, est une merveille. L’invité en était Heinz Wismann – et sa thèse sur Démocrite est stimulante. Un moment privilégié ayant permis à mon esprit de vagabonder du côté du contrefort du pays des loups, dans le midi, là où une ami chère me réapprend à écouter des musiques jusqu’alors négligées.

Au-delà de l’aparté, n’oublions pas enfin les fameux anagrammes dont Etienne Klein s’est fait le maître incontesté ; loin de l’anecdotique ou du ludique, ils participent véritablement, selon mon goût, à un éclairage singulier, à une autre vision du réel des mots que nous aurions tort de prendre par-dessus la jambe…. Comme : le multivers à mille vertus (l’anagramme de : le multivers est mille vertus).



Mais revenons au sujet de ce billet : l’émission du 29 novembre dernier traitait des multivers, sujet fascinant et  qui, je le concède volontiers, atomisant le principe anthropique fort dans lequel se sont fourvoyés tant d’esprits en mal de principes organisateurs, à toutes mes sympathies.

Sur ce principe anthropique fort, il n’est qu’à lire l’entretien du physicien Trinh Xuan Thuan, repris dans un ouvrage collectif en forme de question, « Le monde s’est-il crée tout seul ? », pour se rendre compte à quel point le désir de croire à une intentionnalité de la nature, bref à Dieu vu comme ajusteur de constantes physiques, conduit à des court-circuit de la pensée. Car ne nous y trompons pas, pour les défenseurs de ces chimères, l’objet est bien de remettre l’homme à la place première dans l’univers « non pas au centre physique de l’univers, mais étant la raison même pour laquelle il a été conçu »

La théorie des univers multiples inflige ainsi aux insignifiantes créatures que nous sommes une nouvelle blessure narcissique.

Qui pouvait le mieux venir discourir sur ces « chambres à bulles » que semblent être ces univers multiples qu’Aurélien Barrau.

A l’érudition limpide et la capacité à la vulgarisation (au sens le plus noble du terme) d’une matière fort complexe, se double un caractère original ; une langue très belle aussi – un plaisir rare d’écoute… Qui m’aura au passage aussitôt incité à me procurer « Des univers multiples – A l’aube d’une nouvelle cosmologie », paru chez Dunod cet automne…

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Saisi au vol durant l’émission :
« Le multivers en tant que tel n’est pas une hypothèse. Si c’était une hypothèse ça serait en effet une hypothèse ad hoc relativement échevelée et sans grandes conséquences. Ce qui est intéressant c’est que le multivers est au contraire une conséquence. Une conséquence de quoi ? Par exemple de l’inflation et de la théorie des cordes. Mais l’inflation et la théorie des cordes sont des théories tout à fait standards qui peuvent être testées dans notre univers, ici et maintenant ».


« … On se demande pourquoi les constantes sont si extraordinairement adaptées à l’existence de la complexité en général, et de la vie en particulier. Et je vois trois réponses possibles… (Car) si n’importe laquelle des constantes fondamentales de la physique était différente, il est très probable que notre univers serait morne (gaz de photon ou d’autres particules, sans structure, sans chimie, sans atomes, et donc sans intérêt). Donc trois solutions possibles

-          Soit on a eu une chance infinie, c’est-à-dire que dans le coup de dé initial, les lois de la physique ont été sélectionnées sur cette solution hautement improbable permettant l’émergence du monde…. C’est possible mais peu convaincant.

-          Soit, et c’est l’hypothèse souvent dérangeante du dessein intelligent suivant laquelle Dieu, pour ne pas le nommer, aurait orienté l’évolution de l’univers pour permettre l’existence de la vie, et bien sûr de l’homme ; ce qui est un retour à une vision anthropocentrée, non seulement théologique, mais aussi téléologique, c’est-à-dire finaliste – explication possible mais qui n’est clairement pas scientifique… 
-          La troisième hypothèse est celle du multivers. C’est-à-dire que si on joue une fois au loto on a toutes les chances de perdre. Mais si on joue une infinité de fois au loto on est sûr de gagner…. »


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(Voir également ce billet : une vieille émission de Continents sciences, dont j’avais transcrit une partie : Notre univers est-il unique ? )

5 commentaires:

  1. Cher Axel,

    S'il y a bien une catégorie de couillons qui me fait sortir de ma réserve (cf mon billet du vendredi 5), c'est bien celle des amateurs des frères Bogdanov ou de ce Trung Trang Trong. Mais ne nous attardons pas. Je sais que vous me comprenez.

    Je voudrais juste citer notre Montaigne, cher à tous deux, et qui exprime bien dans l' Apologie de Raimond Sebond la couillonnerie anthropocentrique:

    " La presomption est nostre maladie naturelle et originelle. La plus calamiteuse et fragile de toutes les creatures c'est l'homme, et quant et quant, la plus orgueilleuse. Elle se sent et se void logée icy parmy la bourbe et le fient du monde, attachée et cloüée à la pire, plus morte et croupie partie de l'univers, au dernier estage du logis, et le plus esloigné de la voute celeste, avec les animaux de la pire condition […] : et se va plantant par imagination au dessus du cercle de la Lune, et ramenant le ciel soubs ses pieds."

    J'ai conservé l'orthographe de l'époque. C'est pour vous taquiner.

    Bien à vous,

    Frédéric

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    1. Cher Frédéric,


      Vous avez bien raison de me taquiner. Cela fait du bien en ces périodes de froid et de crachin.
      Je note que je me suis finalement bien amélioré dans la lecture de Montaigne. Car non seulement je parviens désormais à lire sans trop d’encombres la version originale des essais, mais en outre je commence à, sinon m’accoutumer, du moins être capable de digérer à peu près aussi l’orthographe de l’époque.

      Sur les adeptes du dessein intelligent le pire est qu’ils semblent se reproduire à vitesse folle… Mais je pense le mal incurable ; le réel les rattrapera cependant.

      Sous un ciel laiteux.
      Amicalement

      Axel


      Ps : sur le conseil avisé d’une amie, j’ai repris la lecture de la Philosophie dans le boudoir de qui vous savez. Quelques pages chaque soir avant de dormir. Je ne saurai encore dire si cela aide au sommeil ou non.

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  2. Bonjour cher Axel,

    Intéressant sujet en effet.

    J'avais un jour écrit sur mon blog :

    "1077.

    Pourquoi les lois de l'univers sont-elles ce qu'elles sont ?
    Parce que si elles avaient été autres, l'univers tel qu'il est ne serait pas.
    Des milliards d'autres univers ont peut-être tenté de se créer mais les conditions et « lois » requises n'étant pas réunies, ils n'ont pu se déployer.
    Inutile de s'étonner que les lois physiques qui décrivent l'univers soient ce qu'elles sont, elles ne font que décrire l'univers tel qu'il est !
    Au reste, ne se crée que ce qui peut se créer.
    Notre univers n'est pas plus extraordinaire que les milliards d'autres qui ne pourront jamais voir le jour, il est simplement celui qui a vu le jour."

    Ce qui rejoint la troisième hypothèse évoquée, celle du multivers.

    Amitiés.

    P.-S. : Vos doigts ont dû fourcher quand vous avez retranscrit l'anagramme : "Comme : le multivers à mille vertus (l’anagramme de : le multivers est mille vertus)." car je ne vois pas là d'anagramme...

    Je vous souhaite une belle journée.


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    1. En fait c'était :
      Multivers = Mille vertus (en fait EK a un peu triché il manque un l et utilise deux fois le e, mais bon ; pas mal tout de même)

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    2. Merci de la précision, je n'avais pas compris.

      Avec l'article ça donne bien une anagramme parfaite : "Le multivers = Mille vertus". (il n'a donc pas triché. :-) )

      Bonne soirée à vous dans cet univers aux facettes infinies.

      PS : Moi aussi j'aime ce jeu des anagrammes, avec "Cet univers" on peut faire "Cri est venu" et avec "Axel Evigiran" on peut faire " Gai vin relaxe". ;-)

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