Blogue Axel Evigiran

Blogue Axel Evigiran
La dispersion est, dit-on, l'ennemi des choses bien faites. Et quoi ? Dans ce monde de la spécialisation extrême, de l'utilitaire et du mesurable à outrance y aurait-il quelque mal à se perdre dans les labyrinthes de l'esprit dilettante ?


A la vérité, rien n’est plus savoureux que de muser parmi les sables du farniente, sans autre esprit que la propension au butinage, la légèreté sans objet prédéterminé.

Broutilles essentielles. Ratages propices aux heures languides...


18 janv. 2013

Cranach Lucas

« Pourquoi les Grâces sont-elles au nombre de trois? pourquoi sont-elles soeurs? pourquoi les figure-t-on les mains entrelacées, l'air riant, jeunes, vierges, sans ceinture, et vêtues de robes transparentes? Selon les uns, elles représentent la bienfaisance dans ses trois acteurs, celui qui donne, celui qui reçoit, celui qui rend : selon d'autres, sous ses trois faces: le bienfait, la dette, et la reconnaissance.
Quelle que soit, du reste, l'explication que j'adopte, peu importe cette vaine érudition. Leurs mains entrelacées, et ce groupe qui se replie sur lui-même, signifient, dit-on, que la chaîne du bienfait, en passant de main en main, revient toujours au bienfaiteur, entièrement détruite s'il y a solution de continuité, mais dans tout son prix et dans toute sa beauté, si les anneaux se suivent et se succèdent sans interruption. Elles ont le visage riant, parce que telle est la physionomie du bienfaiteur et de l'obligé. Le sourire de l'aînée a quelque chose de plus noble, comme celui du bienfaiteur lui-même. Elles sont jeunes, parce que la mémoire des bienfaits ne doit pas vieillir; vierges, parce qu'ils sont purs, sans tache, et sacrés pour tout le inonde; si leurs ceintures sont détachées, c'est que tout, dans les bienfaits, doit être libre et sans contrainte ; si le tissu de leur robe est transparent, c'est que les bienfaits veulent être aperçus ».

Les Bienfaits, I, 3, 3
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Lucas Cranach - Les trois Grâces
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L'agora des arts, sur les Trois Grâces
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1472 - 1553
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Lucas Cranach - Adam et Eve - 1528
Lucas Cranach - Adam et Eve - 1531
Lucas Cranach - Allégorie de la justice - 1537
Lucas Cranach - Apollon et Diane 
Lucas Cranach - Cupidon se plaignant à Vénus - 1525
Lucas Cranach - Judith
Lucas Cranach - Le jugement de Pâris - 1514
Lucas Cranach - Le jugement de Pâris - 1530
Lucas Cranach - Le vieil homme amoureux - 1517
Lucas Cranach - Les trois Grâces - 1530
Lucas Cranach - Lucrèce - 1524
Lucas Cranach - Le suicide de Lucrèce - 1550
Lucas Cranach - Mélancolie - 1532
Lucas Cranach - Portrait d'une femme noble saxonne en Marie-Madeleine - 1525
Lucas Cranach - Nymphe du printemps endormie
Lucas Cranach - La fontaine de jouvence - 1546
Lucas Cranach - La nymphe de la fontaine - 1534
Lucas Cranach - Les trois Grâces - 1531
Lucas Cranach - Vénus - 1532
Lucas Cranach - Vénus se tenant dans un paysage - 1529
Lucas Cranach - Vénus avec Cupidon, le voleur de miel
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« En plein 16e siècle, c’est encore un primitif, mais ce primitif se trouve être ingénument le premier coloriste après Grünewald et le plus sensible à la beauté formelle de tous les peintres allemands. »

Elie Faure, Histoire de l’art, 1919


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Cranach Digital Archive
La renaissance nordique : Lucas Cranach

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3 janv. 2013

Piranèse Giovanni Battista (Piranesi) - Carceri d’Invenzione


« Pareilles aux états successifs d'une même planche de cuivre, toujours reprise, toujours variée, gravée et regravée, apparaissent  dans la littérature romantique, en s'approfondissant de plus en plus, les métamorphoses d'une vision hallucinante : celle d'un grand escalier en spirale. 
Le point de départ de ces visions se trouve en effet dans une planche de cuivre : c'est l'escalier en spirale d'une des Invenzioni (Capricci di Carcerï) de Giambattista Piranesi, parues à Rome en 1745. La première transformation de cette planche est due à Piranèse lui-même :  dans la seconde édition, qui date de 1760, l'artiste change le luminisme encore tout vénitien de la première édition en une opposition violente de noirs et de blancs. Les Invenzioni, les Capricci di Carceri deviennent  des Carceri d’Invenzione, le caprice du prisonnier devient  prison du rêveur ».

Communication de M. Luzius KELLER au XVIIe Congrès de l'Association internationale des études francaises, le 30 juillet  1965.

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Piranèse - Planche 1 (1749)
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« II y a bien des années, un jour que je me penchais sur les Antiquités de Rome de Piranèse, Coleridge qui se tenait alors à mes côtés me décrivit une série de planches de cet artiste, portant le nom de Rêves et reproduisant le paysage de ses propres visions, durant le délire d'une fièvre. Certaines de ces planches (je fais cette description de mémoire d'après le compte rendu de Coleridge) représentaient de vastes salles gothiques, sur le sol desquelles se dressaient de puissants engins et machines, roues, câbles, catapultes, etc., exprimant le déploiement d'immenses forces ou le triomphe de celles-ci sur d'immenses capacités de résistance. Glissant le long des parois, l'on percevait un escalier ; et le long de celui-ci montait en tâtonnant Piranèse lui-même. Si l'on portait les yeux sur l'escalier un peu plus haut, on pouvait le voir s'interrompre brusquement en un point laissé sans garde-fou et qui ne laissait d'autre issue à celui qui atteignait cette extrémité que l'abîme au-dessous. Quoi qu'il advienne alors au pauvre Piranèse, il est loisible au moins de supposer qu'en cet endroit ses efforts s'achèvent. Mais qu'on lève les yeux, l'on distinguera une seconde volée d'escaliers plus hauts encore, le long desquels l'on voit Piranèse debout, cette fois au bord même du gouffre. Et qu'on porte le regard plus haut encore, une nouvelle volée d'escaliers plus vertigineuse se découvre, et là encore apparaît le délirant Piranèse, absorbé en la même tâche ascensionnelle ; et ainsi de suite jusqu'à ce que l'escalier inachevé et le désespéré Piranèse disparaissent dans les ténèbres supérieures de cette salle. »

Thomas de Quincey

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Piranèse ( Piranesi) Giovanni Battista

1720 - 1778
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Piranèse - Planche 1 (1761)
Piranèse - Planche 2 (1761)
Piranèse - Planche 3 (1749)
Piranèse - Planche 3 (1761)
Piranèse - Planche 4 (1749)
Piranèse - Planche 4 (1761)
Piranèse - Planche 5 (1761)
Piranèse - Planche 6 (1749)
Piranèse - Planche 6 (1761)
Piranèse - Planche 7 (1749)
Piranèse - Planche 7 (1761)
Piranèse - Planche 8 (1749)
Piranèse - Planche 8 (1761)
Piranèse - Planche 9 (1749)
Piranèse - Planche 9 (1761)
Piranèse - Planche 10 (1749)
Piranèse - Planche 10 (1761)
Piranèse - Planche 11 (1749)
Piranèse - Planche 11 (1761)
Piranèse - Planche 12 (1749)
Piranèse - Planche 12 (1761)
Piranèse - Planche 13 (1749)
Piranèse - Planche 13 (1761)
Piranèse - Planche 14 (1761)
Piranèse - Planche 15 (1749)
Piranèse - Planche 15 (1761)
Piranèse - Planche 16 (1749)
Piranèse - Planche 16 (1761)
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«  Le noir cerveau de Piranèse
Est une béante fournaise
Où se mêlent l'arche et le ciel,
L'escalier, la tour, la colonne ;
Où croît, monte, s'enfle et bouillonne
L'incommensurable Babel »

Victor Hugo
Les Mages, Contemplations (1856).

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Piranèse

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« ... il a multiplié les hachures permettant de plus généreux ancrages, diminué les grands espaces clairs, assombri et augmenté les pans d’ombre ; un peu partout aussi, il a ajouté aux mystérieuses machines se profilant au premier plan ou dans les recoins de salles, roues, poulies, grues, treuils et cabestans, des détails qui en font décidément des instruments de torture plutôt que les engins de construction qu’elles auraient aussi bien pu être ; les roues et les plates-formes se sont sinistrement hérissées de clous ; d’un brasier brûlant paradoxalement au bord d’une galerie lancée en plein vide ont surgi des poteaux noircis, suggérant confusément des supplices ; dans la planche IV d deuxième état, une immense et sombre roue se sainte Catherine a pris la place de la noble colonne sur laquelle s’axait la perspective ; les grappes de chaines pendant aux murailles ont proliféré comme celles d’une détestable vigne. De plus, Piranèse a ajouté au recueil deux planches nouvelles (II et V), plus véhémentes et plus surchargées que les autres réminiscences archéologiques. Enfin, il a supprimé la quatorzième et dernière feuille du premier album, où l’on voyait, sur un fond presque clair, deux personnages descendre les marches d’un escalier central, tandis qu’une petite figure voilée, espèce de mystérieux contrepoids, apparaissait à droite dans un escalier dérobé. Ce chef-d’œuvre de grâce étrange, qui semblait avant la lettre l’équivalent d’une sorte finale d’un idéal Fidelio, a été remplacé par l’image d’un noir caveau orné de bustes romains qui grimacent et d’inscriptions lugubres soulignant presque à l’excès que le lieu où nous sommes est bien une prison ».

Margueritte Yourcenar 
Le cerveau noir de Piranèse, dans le recueil Sous bénéfice d’inventaire, folio essais pp 145-146.